mardi, octobre 17, 2006

Concert : DJ Shadow à Montréal

La Route du Rock à St-Malo, France, en août 2002. Il avait plu des cordes pendant toute la durée du festival et c’est là que, pour la première fois, je découvrais M. Davis sur scène. Les pieds dans la boue, un sandwich merguez et une bière dans les mains, je me trouvais sans m’en rendre compte captivé par l’élégance du set et la classe du personnage. Quatre ans et un nouvel album plus tard (The Outsider) retrouvailles vendredi 13 octobre dernier au Metropolis de Montréal avec le gentleman alchimiste du hip-hop.

Après une excellente première partie maîtrisée par Lateef The Truthspeaker et son brillant DJ, grand bonheur que de retrouver l’humilité et le flegme de l’ami Shadow. Splendide lightshow, son parfait, set proprement paramétré et minuté mais davantage de scratches que par le passé. Et en dépit de quelques errances (l’intrusion de Chris James) et de la difficulté évidente de combiner en un set homogène la variété des couleurs musicales et des atmosphères sonores brassées sur l’ensemble de ses trois albums (mention spéciale à l’hermétisme schizophrène du dernier album), quelques moments très forts : l’ouverture et la conclusion, les mixes des désormais classiques Organ Donor et Building Steam with a Grain of Salt et surtout, surtout le big-fat-beat mix de 6 Days... et, et quelques moments d’infinie plénitude dans l’agencement entre le mix et la vidéo.

Voir un concert de DJ Shadow, c’est comme retrouver un bon ami dont l’humilité et la curiosité sont toujours un bonheur. Quelqu’un qui respecte son auditoire et bouillonne d’inventivité et d’expériences sonores à raconter, quelques soient les chemins sur lesquels l’expérimentation l’emmènent. Que ceux-ci soient lumineux, cahoteux ou enivrants. Et même s’il s’agit parfois d’impasses, l’admiration qu’inspire Shadow tient à son inaltérable volonté de défricher et d’explorer en profondeur tout ces chemins et de partager avec son public les fruits de sa quête. Un sourire jusqu’aux oreilles.

Julien Grandchamp

samedi, octobre 14, 2006

Parenthèse : The Jacket

Retour sur l'un des thrillers marquants de 2005.

Un patchwork d’images d’archives. On devine qu’il s’agit de la Guerre du Golfe. Des images vues et revues de visée de nuit, d’explosions nocturnes, de brefs plans mettant en scène les principaux acteurs du conflit. Une figure se distingue : celle du Général Schwarzkopf, icône combattante et charismatique qui incarnait jadis LE guerrier américain pragmatique, expérimenté et bien sûr bon père de famille.

Dans ce flot d’images viennent se glisser des scènes de combat rapproché et l’on reconnaît la silhouette filiforme et fantomatique d’Adrien Brody. Tout commence par une courte plage de calme. Le personnage interprété par Brody, Jack Starks, adresse un sourire et quelques mots à un enfant irakien, baisse sa garde et s’effondre un instant plus tard une balle tirée en pleine tête par celui vers lequel il s’avançait en sauveur. On croit Starks mort. Il survit et rentre au pays…

Encore plein de promesses à ce stade, le film livre en un plan toute sa beauté : Starks s’est battu, il a souffert, on a encore à l’esprit sa blessure à la tête et on l’observe perdu au milieu d’une route enneigée, dans un Vermont vraisemblablement natal. La force de ces trente premières minutes tient au contraste entre les tourments mentaux qu’endure le personnage principal et la triste et banale quiétude des décors dans lesquels il évolue. Beaucoup de blanc, celui de la neige, celui des murs de l’asile d’aliénés dans lequel il est interné.

Mais après avoir entraîné sa figure de proue dans un dur chemin de croix, le film change de registre et se transforme progressivement en une sorte de remake de "Retour Vers le Futur" mâtiné de "Seven" / "Silence of the Lambs"... Un autre film démarre et prend à contre-pied le spectateur comme si le réalisateur ne savait pas trop où aller et décidait à mi-parcours de jouer timidement la carte du fantastique de série B pour sauver les meubles, comme s’il ne croyait plus à son matériau. La noire malédiction de cet être chaleureux et mystérieux se mue en gentil rose bonbon rassurant avec amourette de mise : par ici la jeune femme qui se prend d’affection pour le beau jeune homme un peu perdu, par ici le twist final sur le mode "ah oui d’accord, alors donc tout s’explique" déjà maintes et maintes fois convoqué (cf. Identity, The Usual Suspects, The 6th Sense, etc.)…

En sortant de la salle, on préfère se remémorer la première demi-heure et se laisser pénétrer par la photographie (sublime) et le magnétisme du toujours excellent Adrien Brody. Et on préfère attribuer les errances du scénario et du montage aux directives du studio plutôt que de brocarder John Maybury.

Julien Grandchamp