vendredi, juillet 13, 2007

Critique de film : Hostel: Part II

Une dizaine de bonnes idées, cela ne suffit pas à faire un bon film. C’est malheureusement ce qui vient à l’esprit en voyant Hostel: Part II, successeur bâclé, sans être raté, du petit bijou de terreur réalisé par Eli Roth (Cabin Fever) et sorti en 2005.

Alors où nous emmène cette suite ? Ayant décidé de prendre quelques jours de vacances, trois américaines (interprétées par Lauren German, Bijou Phillips et Heather Matarazzo) étudiantes en art installées à Rome, se laissent convaincre par une séduisante modèle slave de faire étape en Slovaquie. Mais peu de temps après leur arrivée dans l’auberge de jeunesse où elles doivent poser leurs valises, deux d’entre elles disparaissent sans laisser de traces… Le point de départ du film est donc quasiment identique à celui de Hostel premier du nom. Et là encore, le scénario s’articule autour d’une sinistre entreprise de rabattage destinée à fournir à quelques riches bourgeois, des proies humaines auxquelles ils pourront, moyennant finances, infliger les pires outrages.

Hostel II présente pourtant quelque originalité sur le plan narratif. Si trois jeunes femmes ont remplacé, dans le rôle des futures victimes, les mâles du premier film, le véritable changement de perspective tient plutôt à la double trame du récit. Celui-ci place en effet sur un pied d’égalité, en terme d’expérience intime, d’une part la vie des deux cadres américains (Richard Burgi et Roger Bart), bourreaux en puissance qui s’apprêtent à partir pour leur escapade morbide, et d’autre part celle des étudiantes.

L’idée d’explorer en parallèle les tribulations des clients-bourreaux et celles des victimes était excellente mais elle est sous-exploitée. Si cette logique narrative permet il est vrai d’éclairer de manière inattendue les appétits refoulés de personnages a priori opposés, ces derniers sont trop grossièrement esquissés pour qu’on soit réellement sensible à leurs volte-faces. On pense alors avec regrets à la richesse des thèmes qui auraient pu être développés (déshumanisation et divertissement ; lien social et impunité ; masques et frustrations sexuelles, etc.) si l’on avait pu passer plus de temps à les connaître…

Indépendamment de ce que le film aurait pu être, il y aussi ce qu’il n’est pas. Et c’est là que le bât blesse vraiment car Hostel II n’est ni captivant, ni angoissant. Ainsi, et à quelques exceptions près, les moments les plus "hardcore" du métrage sont dépourvus de tension. En somme, on se moque de ce qui se passe à l’écran et de ce qui peut bien arriver aux personnages. Le parfum de désinvolture qui se dégage de l’œuvre n’est évidemment pas étranger à cela. Ni le rythme, ni les transitions d’une étape à une autre ne semblent maîtrisés et, pour couronner le tout, le mariage de registres se fait souvent pour le pire.

Côté rythme, les queues de poissons et les plages d’ennui se succèdent dans une négligence décomplexée digne d’un épisode de la saison 6 de 24. A titre d’exemple, le temps accordé à la mise en place du récit est infiniment plus long que celui consacré à la conclusion du film, lequel s’achève par une pirouette inspirée mais hâtivement expédiée.

Pour le reste, la tonalité d’ensemble pâtit d’une confusion entre thriller horrifique et humour noir, lesquels se cannibalisent mutuellement. La cruauté du propos rendant en partie caduque l’idée de divertissement cool et cérébral, et la distance ironique annihilant toute tension. La scène très théâtrale (et "Dario Argentesque") dans laquelle une cliente de l’organisation se baigne nue dans le sang de sa proie, aurait ainsi pu être somptueuse si le côté "nunuche cartoonesque" de la victime n’en ternissait l’éclat. Même s’il y a beaucoup d’humour dans l’idée de "faire souffrir Peau d’âne", le choix de l’actrice (Heather Matarazzo) et la caractérisation de son personnage font sombrer la scène dans le second degré, la castrant de ce fait de la force émotive qu’une pincée d’érotisme et une dose de terreur laissaient espérer.

Pour autant, il y a bien, au milieu de ce fatras décousu, une poignée de scènes jubilatoires qui montrent à quel point le cinéaste en a sous la pédale… même en pilotage automatique. Parmi les quelques morceaux de bravoure cinématographique que le métrage distille bon gré mal gré, saluons les séquences mettant en scène les trois copines dans le train qui les mènent vers leur lieu de vacances. Au travers d’un usage habile du décor, Roth suscite avec brio un climat d’angoisse dans lequel tous les hommes qu’elles croisent apparaissent comme de menaçants prédateurs sexuels. Ici pas de gore mais un sommet de tension qui dépasse en intensité la totalité des scènes les plus ostensiblement cruelles du film.

La comparaison avec Hostel étant inévitable, disons-le simplement : Hostel II est à la fois moins puissant, moins cohérent et moins transgressif que son illustre modèle. En dépit du talent de son sympathique réalisateur, il s’agit là d’une suite désincarnée qui, de manière assez surprenante, EST en quelque sorte ce dont elle parle : une entreprise de divertissement derrière laquelle l’humanité s’efface. Hostel, tout en étant à la fois cruel et pervers, n’était pas dépourvu d’une bonne dose d’humour noir. Mais Eli Roth était parvenu, en le filmant, à exposer les déchirements de la chair et de l’esprit sans jamais concéder un millimètre carré de terrain au détachement et au cynisme. C’est désormais chose faite avec son dernier film, lequel se regarde sans déplaisir, sans grand intérêt non plus, mais avec défiance à l’égard d’un brillant réalisateur chez qui l’appel du cash semble avoir cette fois remplacé la passion.

Julien Grandchamp