mercredi, janvier 23, 2008

Critique de film : L'Orphelinat (El Orfanato)

Des portes qui claquent, des planchers qui grincent et des fenêtres qui se brisent, tels sont les principaux ressorts de L’Orphelinat, petit chef d’œuvre de terreur présenté à Cannes au printemps dernier et premier long-métrage réalisé par Juan-Antonio Bayona, un metteur en scène catalan presque inconnu mais plus que prometteur.

Produit par Guillermo del Toro, ce bel objet filmique raconte l’histoire de Laura, une mère de famille qui rachète l’orphelinat où elle a grandi pour le rénover et en faire un foyer destiné à accueillir de jeunes handicapés mentaux. Quelque temps après leur arrivée dans leur nouvelle demeure, Laura et son mari Carlos commencent à s’alarmer devant l'importance grandissante que prennent les amis imaginaires de Simon, leur fils adoptif. A la suite d’une série d’événements inexpliqués qui perturbent de manière inquiétante le quotidien familial, le petit Simon disparaît…


A des années-lumière des dernières productions horrifiques américaines, L’Orphelinat joue la carte de l’épouvante à l’ancienne et réussit brillamment là où la plupart des films U.S. échouent : tenir le spectateur en haleine et le faire sursauter tous les quarts d’heure environ, sous l’effet d'une incontrôlable trouille. A mi-chemin entre le conte fantastique et le drame familial, le film parvient à surprendre tout en se payant le luxe d'une narration qui prend tranquillement son temps. Pas de tortures ni de gore subversif chez Bayona. Pas non plus d’effets numériques clinquants, mais une approche naturaliste du genre qui rappelle le traitement quasi-documentaire de L’Exorciste. Comme dans le film de Friedkin, le récit se concentre sur la souffrance et le combat d’une femme cherchant à tout prix à retrouver son enfant (au sens propre et au sens figuré) et qui en vient à laisser de côté la Raison pour se tourner vers des spécialistes des phénomènes paranormaux. Belén Rueda, magnifique actrice espagnole remarquée dans Mar Adentro prête sa force et la beauté de ses traits au personnage de Laura. Martyre, figure angélique, elle illumine chaque plan de son talent, aux côtés d’un casting au diapason (mention spéciale à Géraldine Chaplin, impériale dans le rôle de la médium), lequel contribue à faire de cette production un drame humain tout autant qu’un film de fantômes.


Humainement touchant, L’Orphelinat est par ailleurs magistralement effrayant. La tension est permanente, suscitée en premier lieu par de lents mouvements de caméra, des éclairages méticuleux et des cadrages qui exploitent au mieux les abysses du hors-champ (puisant ainsi directement dans l’imaginaire du spectateur). Les effets sonores enfoncent le clou et complètent admirablement le dispositif en accompagnant la fébrilité croissante des personnages. La mise en scène de Bayona orchestre élégamment l’ensemble et distille ça et là des indices qui lèvent partiellement le voile sur le mystère, tout en posant de nouvelles énigmes. On joue ici avec les attentes du spectateur mais aussi avec sa culture cinématographique. Car si les portes claquent et les cadavres pleuvent, l’occurrence de ces événements le prend toujours à revers.


Sur le papier, cependant, on se dit que certains éléments narratifs et visuels présents dans le film ont déjà été vus et revus
maintes fois. Au petit jeu des ressemblances entre le nouveau né et ses aînés (en dehors du lien avec L’Exorciste) l’ambiance gothique, l’importance accordée au lien mère-fils, les références à l’univers du conte, le choix d’un orphelinat pour le déroulement de l’action ou encore la mise en scène d’un enfant aux prises avec des fantômes, évoquent ainsi en vrac Les Autres, Le Labyrinthe de Pan, l’Echine du Diable (ce qui fait écho à l’implication de G. del Toro dans le projet), Shining et Poltergeist. Toutefois, ces prestigieuses influences se trouvent ici complètement et intelligemment assimilées grâce au savoir-faire inspiré de Juan-Antonio Bayona.

En dehors de ce bémol de mise (un peu de mesquinerie, ça réveille), et avant de décerner au réalisateur et à son équipe les lauriers qu’ils méritent, peut-être peut-on se demander si les quelques zones d’ombre du script sont, ou non, volontaires. Passés les premiers instants d’euphorie post-visionnage, subsistent ainsi quelques réserves portant sur tel ou tel raccourci inexpliqué. Mais rien de grave et rien, surtout, qui n’amoindrisse le bonheur total d’avoir autant flippé et presque larmoyé devant une œuvre d’une si belle facture. La réputation flatteuse du film (plus de trois millions de spectateurs en Espagne depuis sa sortie en octobre dernier) est ainsi totalement justifiée et on ne peut qu’envier les chanceux qui le verront pour la première fois à sa sortie en France le 5 mars prochain.
Julien Grandchamp

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et dans la serie pain in Spain, deux autres tres bons films:
- La Comunidad
- [Rec]

Anonyme a dit…

J'ai adoré ce film. Un des meilleurs de l'année à mon avis. A la fois terrifiant (prière de s'attacher à son siège)et émouvant. Vive l'Espagne...

joh a dit…

très belle critique.
Avez-vous vu "quien puede matar a un nino"? Un très bon film de 76 de l'un des maîtres du cinéma fantastique espagnol: Narciso Ibanez Serrador ? J'attends votre critique sur ce film !
Bonne continuation